La-hijra-des-meunier

Istanbul "La sublime"

 

 

Comment raconter les trois derniers jours précédant le voyage... stress, fatigue au rendez vous bien sûr, et mille et une choses à finir qui n’en finissent pas justement. On ne dormait quasiment plus.

Nous avons récupéré les visas trois jours avant, oui oui, façon Meunier, et enfin pris les billets dans la foulée.

 

Télécharger les applis, les livres, installer des logiciels qui nous manquaient sur la bécane, effectuer les achats de dernière minute: house de protection pour l’ordi, sangle pour la PNJ (une version de la go pro mais en mieux pour nous), k-way, semelle, faire nos testaments, coudre des tuniques (que j’ai fini 5 /5 à 2h du mat le jour même du départ), bref la course quoi. Le plus difficile a été les adieux aux amis et à la famille. J’ai été prise d’une émotion sans nom… Un long voyage nous pousse encore plus à penser à la mort et donc éventuellement ne plus revoir ses proches. Les adieux à ma mère ont été terribles, je ressentais tout ce qu’elle ressentait, car je la laisse seule étant son enfant unique, et je sais qu’elle désapprouvait ce voyage. La génération de nos parents ne comprend pas nos envies d’évasion, ils y voient les risques que nous encourons à traverser des pays « dits dangereux », mais ils considèrent aussi que nous jetons notre argent par les fenêtres, eux qui ont trimé toute une vie pour s’installer dans un pays. Je sais qu’elle approuve notre Hijra bien qu’elle en souffre, mais pas le voyage qui le précède.

 

C’est dur de devoir choisir entre ne pas partir pour nos parents et entre ce besoin viscéral de le faire. Nous sommes toujours sujets à des choix et à des sacrifices. Mais je garde en tête que je fais ça aussi pour elle. Trouver un meilleur endroit pour que nos parents finissent leurs jours est un devoir pour nous. Quant aux amis qui ont traversé ma vie, ils ne sont pas justes des gens de passage, ils sont des membres de ma famille et je suis véritablement touché de notre séparation. Je sais que pour certains d’entre eux je ne les reverrais plus, mais pour d’autres ce n’est qu’un au revoir inchaallah. Allez trêve de nostalgie et direction Istanbul !

 

Le samedi 15 Février, nous atterrissons à 16 h à l’aéroport d’Atatürk, où nous sommes accueillis à quelques minutes près par un contact vers lequel un ami en France nous a dirigé. Nous avons aimé notre première rencontre avec Istanbul et les turcs durant notre premier voyage il y a de ça 2 ans, et nous avons encore plus adoré notre seconde rencontre.

 

La magie a encore opéré, si ce n’est plus. Voir un pays avec l’œil de ses habitants nous donne forcément un autre regard sur le pays. Nous avons eu la chance de rencontrer Sait Arat, un incroyable  musicien musulman, joueur de darbouka, d’une extrême gentillesse. Il s’est installé à Istanbul depuis deux ans, avant cela il était parti vivre aux Etats Unis pour étudier et vivre sa vie d’artiste, puis s’est installé au Mexique. Il nous a fait découvrir cet autre Istanbul, en nous emmenant dans une galerie d’art, qui est également un centre artistique. Dans ce centre se trouvait au sous sol un mini cinéma, au rez-de-chaussée la galerie d’exposition, au premier une autre salle d’exposition et une salle d’attente, au second une classe pour des cours de musique, au troisième une classe de cours de dessin et de peinture et au dernière étage, une salle de prière. On nous offre du thé tout en échangeant sur l’art et l’islam et le mouvement « Gülen » dont sont issus ses projets innovants que nous ne connaissions pas. Le mouvement Gülen aussi appelé le mouvement Hizmet « service » est né de Fethullah Gülen, et prend sa source dans les enseignements du penseur musulman Saïd Nursî. Le mouvement prône la construction d’écoles plutôt que de mosquées et l’équilibre entre science et spiritualité, et bien d’autres choses encore. Ce mouvement est apolitique et n’appartient à aucune Tarîqa (groupes, mouvement).

 

Nous en profitons, surtout moi, pour nous reconnecter à Dieu. Et pour cela les mosquées d’Istanbul sont parfaitement adéquates. Il s’en dégage une telle sérénité… Ce voyage nous l’avons aussi voulu pour ça. Me concernant j’ai traversé un très grand spleen spirituel et l’effervescence de la vie, le fait de courir après son pain quotidien n’a pas aidé dans mon envie de reconnexion. Le Adhan et le fait de pouvoir prier à l’heure n’importe ou est extraordinaire. C’est le moment de reprendre le temps. Le temps de prier, de méditer, de se rappeler…

 

Le lendemain Sait vient nous chercher avec Ali Canturk, le responsable du centre et de la galerie d’art, et nous présente un ami architecte qui parle français : Salman, et qui doit se rendre en Algérie pour agrandir la mosquée d’Oran. Nous avons le privilège d’avoir une visite guidée de la mosquée de « Souleymane le magnifique » avec ses connaissances sur l’histoire et l’architecture du lieu. En français en plus ! Le dernier jour nous nous rendons tous au bureau d’Edition d’une revue : « Ebru magazine », qui est édité en plusieurs langues, dont le français, et qui est spécialisé dans le rapport entre les sciences et la spiritualité, ainsi que dans le rapport que nous avons nous même avec ceux-ci. Nous avons également la chance d’interviewer le rédacteur en chef  qui est belge d’origine turque, et qui a décidé de s’installer en Turquie pour contribuer à ce projet. Il nous parle d’Ebru du projet à sa réalisation. Ils nous emmènent tous voir une école d’excellence que le mouvement a mis en place pour former ces générations d’intellectuels au service de l’humanité.

 

Ce n’est pas juste une école d’excellence comme nous en avons aussi en France en Angleterre ou ailleurs, c’est une école innovante par son concept. Elle fonctionne un peu comme dans le système américain sur certains points, comme par exemple avec les bus qui vont chercher et ramener les élèves chez eux, avec des casiers dans l’enceinte de l’école, mais pas seulement. Le but est de suivre naturellement les aptitudes de l’enfant. Alors que le système, en France ou ailleurs, veut que ce soit l’enfant qui s’adapte à l’école, et bien ici c’est l’inverse. On observe ce qu’aime l’enfant, et ce en quoi il est le plus apte, et on le pousse à l’excellence, tout en préservant sa culture et sa religion. Il y a des classes de peinture et de musique, ainsi que des espaces sportifs. Les enseignants, triés sur le volets, subissent une batterie de teste, et il ne suffit pas d’appartenir au mouvement pour avoir un passe droit. Ils doivent exceller autant dans leurs domaines que dans leurs comportements pour transmettre une véritable éthique aux élèves. Les enseignants ne s’occupent pas seulement des élèves mais aussi de leurs parents, pour que la pédagogie opère totalement. Leur accompagnement se veut plus humain. L’école a les meilleurs scores de réussite de toute la Turquie. La vue superbe qu’elle a sur le Bosphore est un atout de plus, un jardin avec une mini ferme. Nous nous rendons juste après dans une mosquée a proximité et qui est collée à une école d’enseignement religieux. Cette école fait aussi internat pour des élèves qui viennent du monde entier. Elle dispense des cours pour des élèves du secondaire, c’est à dire à partir de 14 ans, et des adultes également en classe spécifique. Il y a une cantine, une bibliothèque, la mosquée, un terrain de foot et de basquet…Ils ne dépendent de personne et vivent de leurs fonds propres. Ils créent de l’emploi, tout en consommant exclusivement musulman, car ils fabriquent leurs propre matériel, ou ont leurs propre société de transport... Nous en apprenons plus sur ce mouvement étonnant, qui n’a rien à voir avec le gouvernement actuel et qui se veut un mouvement concentré sur l’éducation des populations, son intellectualisation et son élévation spirituelle.

 

Nous sommes impressionnés par les moyens et l’intelligence du concept. Nous nous rendons compte qu’il se passe des choses incroyables à l’autre bout du monde dont nous n’imaginons même pas l’existence et ce, fait par des musulmans.  

 

Nous repartons la tête pleine d’images et le cœur satisfait d’avoir eu la chance de rencontrer ces gens et de voir ces projets ambitieux émerger. Ali et Sait nous ramènent à l’aéroport où nous leur faisons nos adieux difficilement car nous ne voulons plus quitter la Turquie.

Une fois les dernières larmes séchées, nous re-pleurons de plus belle en constatant que Mr Meunier s’est trompé sur l’heure du vol. Il ne s’agit pas de 11heures du soir mais 10 heures du matin. Nous avons raté notre vol à 10 heures près. Ne me demandez pas comment c’est possible car j’ai encore envie de l’étrangler. Et là commence pour nous la galère…




20/02/2014
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