Dubai ou la tentation de la démesure
Pfff, je commenterais pas l’article d’avant. Je ne me rabaisserais pas à de vaines polémiques, les évènements futurs parleront pour moi.
Dubai…
Comment raconter Dubaï ? Vendredi 7 mars, nous arrivons à l’aéroport de « Sharjah », l’un des sept états des Emirats d’arabe Unis, et durant ce trajet nous commençons à avoir un aperçu de ce que nous verrons tout au long de ce petit séjour.
Nous avons décidé de ne rester que cinq jours à Dubaï. Nous remarquons encore plusieurs personnes aux nez « pansementés », (oui j’aime bien inventer des mots, ils ont bien été inventés un jour, non ? Alors pourquoi ne pas en inventer d’autres), aux moins sept ou huit rien que pour notre avion, mais également des convalescents d’opération divers. Nous nous demandons si ce n’est pas moins cher de se faire opérer en Iran ? On croirait un tourisme médical. On voit également une émiratie accompagnée de sa « charala » (domestique). Elle s’occupe des enfants, pendant que celle-ci a les bras occupés à tenir son sac et marche hautainement devant elle. J’ai toujours entendu parlé de ces femmes à tout faire, et c’est bien le terme, mais malgré tout, cela me déstabilise. Je regarde cette femme qui semble être une philippine. Elle a les yeux baissés. Je ne ferais que les regarder quand beaucoup ne les voient même plus. Je suis touchée par la fatigue de leur regard ou leur timide sourire…
Arrivés aux Emirats, j’assiste amusée au bisou traditionnel entre hommes, qui se saluent en se frottant le nez. Si en Iran j’étais fascinée par le tchador des femmes, aux Emirats ce sera par le blanc immaculé de la tenue traditionnelle des hommes. Cela leur donne une telle allure…
Nous sommes hébergés par un ami au centre de Dubaï, du couchsurfing en somme, notre deuxième depuis notre voyage. Nous sortons prendre un taxi et nous sommes déjà ravi de sentir un air plus respirable. Durant tout le trajet nous amusons le chauffeur par notre excitation et notre effervescence. Je filme, photographie dans tout les sens. Dubaï c’est…énorme, la ville de tous les superlatifs ! La démesure totale. C’est impressionnant évidement, mais cela fait penser à New York ou Shanghai et elle semble n’être qu’une pâle copie de ces villes démentielles. Arriverais-je à dépasser l’apriori négatif que j’ai des émirats et des émiratis ? Arriverais-je à dépasser cette impression de ville superficielle et sans âme ?
Nous arrivons dans l’appartement de notre ami et nous sommes malgré tout conquis par le confort simple mais élégant de son appartement. Le luxe a du bon quand même. Dubaï me fascine d’une certaine façon et me fait peur. Me fascine par ses prouesses, défis architecturaux et son luxe si confortable. Me fait peur aussi à cause de ce dernier justement, car je sens qu’on peu y perdre son âme. Nous sommes tous voués à aimer ce qui est beau et facile. Et je n’y échappe pas plus qu’une autre. Si on me donnait un appartement tout en haut d’une tour avec vue sur toute la ville, gardien, piscine et salle de fitness au dernier étage, voiture de fonction et salaire conséquent, soleil, charala pour trois francs six sous, refuserais-je l’occasion ? Rien que pour cela, elle constitue pour moi, la tentation. On peut, et certains ont déjà perdu leurs âmes et pour beaucoup moins que ça.
Nous passerons notre soirée à harceler notre hôte de questions. Nous aurons le droit à des histoires hallucinantes concernant le pays et les émiratis. Je lui demande les plus et les moins de sa vie ici. Les moins comme nous le savons déjà évidemment en numéro un : le racisme, mais il nous précise que c’est un racisme structurel, ouvertement revendiqué et accepté par tous. Ce qui est déstabilisant et il ne sais pas s’il préfére le racisme hypocrite de la France par exemple. Tout en haut de l’échelle raciale : le blanc, parfois en dessous/ ou au même niveau que l’arabe, selon le statut familiale de celui-ci, le maghrébin, le philippin, l’indien, l’africain. Il nous mime à quel point cela se voie, ne serait-ce que dans le salut des uns et des autres. Dans les annonces de travail ou de logement il n’est pas rare de voir dit-il, « pour un européen » ou « pas d’indiens, pas d’africains ».
En second : Le fait de n’avoir aucun avenir dans ce pays sur le long terme, car il n’y a pas de carte de résidence, ni de nationalité pour les étrangers. On est étranger, on reste étranger. On n’est là que pour construire le pays, puis on dégage.
Et pour finir, si on n’a pas d’argent ici, on est rien. Le pur système capitaliste exacerbé au plus haut point. On est ce qu’on a.
Les plus : la sécurité, c’est l’une des villes les plus sur au monde. Evidement en temps que musulman, sont le fait de pouvoir manger hallal partout, de prier et vivre sa religion tranquillement. Il y a des cours pour ceux qu’ils le souhaitent et les femmes sont libres de leur choix et mouvement. Et le confort occidentale.
Sur le parking à côté de la tour ou nous logeons, un jet-sky!
Nous sortons manger dans la vielle ville et j’ai l’impression d’être un peu groggy par l’atmosphère de la ville. Nous mangerons sur la corniche et ce sera notre meilleur repas depuis le début de notre trip.
Le lendemain nous sortons pour faire le tour de la ville en bus « the big bus tour » comme de vulgaires touristes. Nous n’avons pas de voiture et c’est d’après ce qu’on nous dit la meilleure façon d’avoir un aperçu rapide de la ville et de ces spots, mais il faut acheter les billets avant. Nous devons les prendre à coté du mall, le plus grand centre commercial du monde, au pied de Burj Khalifa, la tour la plus haute au monde…. Nous ferons l’erreur fatale de rentrer dedans.
Je suis surexcitée et je filme encore et photographie tout ce sur quoi mon œil s’arrête. Philippe est vraiment patient, je l’aime pour supporter toutes mes extravagances. Je commence à me calmer, au bout de deux heures quand même. On cherche la salle de prière. On monte, descend, on ne la trouve pas. On ne comprend pas les plans interactifs…on finit après 5 allées/retours de haut en bas, par la trouver. Puis on cherche le coté souk version mall. On recommence…on l’a vu tout à l’heure quand on cherchait la salle de prière. On monte/descend, on tourne à droite, à gauche…ça commence à nous taper sur les nerfs. On fatigue. On laisse tomber. On cherche du coup le métro pour sortir et manger indien dans la vielle ville. On commence à monter/descendre… on trouve le souk ! Puis on se souvient qu’on était venu chercher les billets pour le bus. Mais là on en a marre on veut sortir de ce satané mall. On recherche l’aquarium, car on nous a dit que c’était à coté, en passant devant l’entre de Burj Khalifa tout à l’heure, quand on souhaitait voir s’il restait des places pour pouvoir y monter? Ce qu’on n’a pas pu faire d’ailleurs car c’était full, il faut réserver plusieurs jours à l’avance, sinon vous payez plus du double. Tout est complet sur toute la durée de notre séjour. Tant pis, on ne montera pas sur la tour la plus haute au monde et qui a l’ascenseur le plus rapide au monde !
On part donc à la recherche de ce foutu aquarium et là vraiment, je sature. On sortira jamais plus de ce mall…C’est un cauchemar. J’ai mal au pied. On trouve le guichet du Big bus. On se dit que là il ne faut plus rentrer dans le mall, sinon on n’en ressortira plus, alors on fait le tour. On tombe sur l’hôtel « Résidence », et là c’est l’impasse. On demande à un gardien qui nous dit de passer par le parking et de remonter les escalators pour sortir du coté de la tour et apparemment du métro. On se retrouve dans le mall….ahhhhhhhh !!!! C’est la quatrième dimension. Le mall nous a avalé, on n’en sortira jamais, tout ramène au mall. On cherche le métro, on remonte, descend…j’ai envie de pleurer… On s’embrouille, c’est là, non c’est par là…On trouve le panneau du métro. On marche, on marche, on longe un tunnel en verre avec des tapis roulants. Un, deux, trois tapis. Wech il ne finit pas le tapis ? Je veux rentrer, je ne veux plus aller manger indien. Je veux rentrer. Philippe ne veut pas faire demi tour, il a peur de retomber sur le mall. On sort au bout d’un quart d’heure dans ce **** de tunnel. Je boîte. Je ne sais pas où Philippe me mène. Je fais grève. Je m’assois par terre en lui jurant de ne pas bouger tant que je n’aurais pas un plan détaillé et sûr de là ou il me mène. Je vois bien qu’il ne sait pas où on va. Je vois un bus, il ramène au mall. Un cauchemar ! Je veux le prendre, mais Philou refuse. Il me dit « mais il va au mall ». Problème c’est qu’on est logé à côté du mall, donc oui faut retourner à côté de ce ***** de ***** de ***** de mall. Il refuse. Je continue ma grève. Il me dit « allez c’est juste a côté »… Non mais franchement, il se fout pas de ma gueule le loulou avec son slogan de ****, comme si j’avais pas l’habitude de son : « c’est juste a coté ».
Apres maintes jérémiades et récriminations, nous repartons en direction de notre logis. Nous traversons une autoroute. Wai, c’est comme ça chez les arabes, tout est possible ! Et si vous vous posez la question, oui cet homme veut ma mort. Nous traversons ensuite un chantier et nous marchons une demi heure, pour au final, voir à coté de notre immeuble le bus qu’il a refusé que nous prenions !!! Apres midi de loose ! On rentre, vénère, affamé, après avoir passés cinq heures dans ce mall infernal et diabolique qui nous a avalé et avalé notre temps.
Le lendemain le tour de bus nous écoeure de la ville. En même temps faire un truc comme ça de touristes avec des bofs de touristes, ça pouvait que nous écoeurer. Nous lui trouvons tous les défauts. : Cette multitude de mall en tout genre, décliné dans toutes les versions, ces gens superficielles aux voitures de luxes qui ne cessent de courir les routes de la ville à toute allure, des grattes ciel, des grattes ciel et encore des grattes ciel. Des pauvres indiens et philippins au service de blancs ou d’arabes. Une famille royale citée partout jusqu’aux moindres descriptions sur l’histoire de la ville que nous écoutons, blasés, dans le bus, au son d’une musique orientale exotique, spécialement composé pour nous, avec des publicités qui vous pousse à consommer et les mêmes inepties que l’on entend dans les descriptions concernant l’islam. La ville nous semble vraiment sans âme.
Mosquée Chiite, dans le vieux Dubai. Il y a aussi, une église et un temple indu que l'on voit ici à droite.
Nous rentrons dégoutés et fatigués. Le lendemain nous partons pour Abu Dhabi en bus. Cette ville nous semble plus sympa que Dubaï. Elle a l’avantage d’avoir une belle corniche, des jardins et des maisons qui lui confère un certains charme par rapport à sa consoeur.
Nous partons à la grande mosquée blanche que son sérénissime Sheikh Zayed, président des Emirats, a construite. C'est aussi la plus grande structure en marbre construite à ce jour par l'homme. Elle contient le plus grand lustre et le plus grand tapis au monde. Wai que des plus plus plus . Après notre première impression d’émerveillement, en foulant l’entrée nous dégonflons immédiatement. Nous voyons au sol, sous un soleil de plomb, des travailleurs qui rebouchent des fissures au sol. Puis des philippins qui nettoient, reluisent, sol, les murs, colonnes, pour que nous foulions les lieux avec admiration et aisance. Je suis dégoutée, j’ai envie de partir.
Sur le chemin nous tombons sur une taxi-girl d’origine africaine. Je lui pose des questions sur sa vie au Emirats, si elle est heureuse, si elle préfère Dubaï ou Abu Dhabi, depuis combien de temps elle est là, etc.… Elle me répond être vraiment bien ici et ne pas vouloir partir, préférer Dubaï et qu’elle est a plus de facilités en tant que femme ici que dans son pays.
Le lendemain nous envoyons nos affaires d’hiver en Afrique du sud chez notre ami là bas, car il fera froid quand nous y serons et il ne sert à rien de se les trimballer durant quatre mois. Puis nous avons rendez vous pour déjeuner avec un ami, avant de visiter le quartier de Dubaï marina pour finir par le vieux Dubaï que nous n’avions vu que de nuit et le vieux souk.
Ces deux derniers jours nous aurons parlé à quelques personnes rencontrées dans la rue, comme ces femmes tchétchènes à qui je pose la question si elles aiment Dubaï et pourquoi, notre taxi-girl, à un pakistanais, à notre ami avec qui nous avons déjeuné, sans compter notre hôte avec qui nous avons pas mal échangé et une amie qui y a vécu un an.
Ils nous ont donnés aussi leurs impressions et leurs sentiments concernant cette ville. Et dans l’ensemble, ils sont plutôt heureux d’être ici, quelque soit leur condition sociale. Je suis surprise surtout de ceux qui sont le plus exploités. Mais il nous revient sans cesse que leur condition actuelle est meilleure que dans leur pays respectif. Et que quitter la ville est un drame pour beaucoup car ils fond vivre leur famille quoi qu’il en soit. Je suis songeuse…Du coup, le confort aidant, nous sentons le piégé dubaïotte se refermer doucement sur nous.
Philippe est en l’espace de deux jours moins virulent et le dernier jour, me confiera même pouvoir envisager y travailler, mais juste pour un temps. Nous commençons déjà à perdre notre âme, je le savais…en deux jours !!! Cette ville c’est Babel. Notre hôte nous demande nos conclusions sur notre séjour. Je lui confie qu’elle est pire qu’au début. Que je sais que si je restais à Dubaï, je finirais par m’habituer à ce racisme et ces inégalités car le matériel m’aura bouffé le cœur. J’ai peur de finir même par trouver des excuses à cette acceptation et légitimer mon abnégation par des arguments religieux. Ce confort on y prend gout immédiatement. Les rues sentent bon, le métro n’est pas bondé. Tout est fait pour vous faciliter la vie. Les métiers de service y sont développés comme rarement j’ai pu le voir ailleurs. On vous met par exemple, vos courses dans un sac au super marché, on s’en occupe pour vous. Les toilettes ou que vous alliez sentent bons et sont d’une propreté irréprochables. Les infrastructures sont simplement nikel et la bouffe excellente. La sécurité est vraiment un plus, vous pouvez laisser les clés sur votre voiture, ou votre ordinateur portable sur une table d’un café, partir et en revenant rien n’aura bougé. Pour les femmes, elles sont prioritaires dans les administrations, on ne les fait pas attendre, elles ont places dans les métros et bus, juste pour elles si elles le veulent ou mixte, au choix. Les femmes s’habillent comme elles l’entendent. J’ai vu des micros jupes/ décolletés côtoyer des nikab, c’est impressionnant.
A droite, le métro de Dubai, ou les femmes ont plus de place dans leur zone que dans les zones mixtes.
C’est plus tolérant qu’en France. Elles ont des jours de plage exclusivement pour elles, ou même des non musulmanes viennent profiter d'être juste entre femme. Et les agressions à leur encontre, contrairement a ce qu’on entend aux infos, sont sévèrement punies.
Il faut partir.
Je ne suis pas contre la richesse et le confort, mais contre ce à quoi ça nous pousse pour l’acquérir. Le prix qu’on est capable de payer pour l’avoir et la dépendance matérielle qu’elle apporte. Je ne veux pas courir ma vie entière après ça. La vraie liberté est de se détacher de ça justement. C’est aussi une des raisons pour laquelle nous sommes parti de France. Cette course effrénée après le matériel. Cette concurrence entre les gens et ce qu’ils ont acquis, ça a forcement un prix. Je ne ferme pas la porte non plus à un boulot bien défini dans le temps, mais après avoir vu la vie à Dubaï, je sais qu’elle peut être fatale à son âme. Au final c’est moi qui est le moins amballer alors qu’avant j’étais la plus.
Si je devais avoir un regret, c’est d’être passée à coté des émirati(e)s. Ils ont la réputation d’être froid et assez inaccessible (beaucoup moins envers les femmes, évidemment) et je n’ai pas osé en approcher un ou une pour discuter. Je n’en ai pas eu l’envie en même temps, gavée par les histoires assez répétitives des uns et des autres. Mais notre voyage c’est aussi ça, allez vers les autres, même vers ceux envers qui nous n’avons pas d’affinités immédiates, pour échanger et apprendre à être plus ouvert et tolérant. Quand on sait que les Emirats d’arabe unis possèdent le plus haut taux d’émigration au monde : 88% de la population, on comprend un peu leur coté « on préserve notre culture et notre race », même si je ne suis pas d’accord. Quand on sait aussi à quel point leur argent attire tous les vautours du monde, on peut aussi comprendre la distance et la méfiance qu’ils ont envers les étrangers. Je regrette donc de ne pas avoir franchi cet apriori, mais si de nouveau j’ai l’occasion, ou si vous aussi vous l’avez, n’hésitez pas.
Départ le lendemain pour l’Inde. La destination que je crains le plus avec l’Afrique du sud, mais je suis excitée comme à chaque fois par ce que je vais découvrir.
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